Propos
recueillis par Denys Kappès-GRangé
« Sud Ouest ». Réalisez-vous que vous avez gagné
quatre fois sur le Tour ?
Pierrick Fédrigo. Oui! C'est quand même quelque
chose de fou, le Tour est un mythe. Je m'en suis surtout rendu
compte l'année dernière, quand je n'y étais pas. J'étais à la
maison, certes en famille, et ça faisait du bien de les avoir autour
de moi. Mais c'était dur de voir les autres partir. Je voulais à
tout prix renouer avec le Tour. Après tout ce que j'avais vécu, ce
n'était pas possible d'en rester là.
Vous mesurez le chemin parcouru ?
J'ai connu une année difficile, marquée notamment
par ma maladie. Aujourd'hui, je me rends compte que ces épreuves
traversées m'ont servi. C'était bien plus que le Tour finalement. On
apprend à souffrir différemment.
En 2010, vous aviez déjà gagné à Pau...
C'est la même ligne, c'est vrai. Durant les
derniers kilomètres, ça m'est revenu à l'esprit. Je me suis rappelé
ce sprint d'il y a deux ans.
C'est votre quatrième succès sur le Tour. Quelle place occupe
celui-ci?
Chaque victoire sur le Tour est spéciale. C'est la plus belle
course du monde. La première à Gap (en 2006), c'était évidemment
beaucoup d'émotion. La deuxième, à Tarbes (2009), c'était chez moi
devant ma famille et mes amis. Lors de la troisième, à Pau déjà
(2010), c'était l'une des plus belles étapes des Pyrénées qui avait
emprunté l'Aubisque, le Tourmalet, l'Aspin et le Soulor.
Aujourd'hui, c'est un peu le retour au plus haut niveau.
Le Tour approche de la fin, avez-vous douté de trouver enfin
l'ouverture ?
Oui il y a toujours des petits moments de doutes. Les jours
passent et on se demande si on va enfin avoir une opportunité. Cette
échappée, c'est quand même la seule que j'ai réussi à attraper
depuis le départ! Au fil des jours, je recevais beaucoup de messages
de soutien. Mais je sentais aussi de l'impatience, voir de
l'inquiétude de la part de ces personnes qui me demandaient ou j'en
étais, ce que j'avais. Ça me touchait, mais en même temps, je me
disais que c'était pour moi qu'il fallait avant-tout que je gagne.
Racontez-nous ce sprint final?
Lorsqu'on se retrouve dans un final d'étape, à dix bornes de
l'arrivée, il faut rester concentré. C'est ce que j'ai fait. Dans
cette configuration, on attend toujours de voir qui va attaquer : il
y a eu quelques tentatives, de Sorensen notamment. D'habitude,
lorsque je suis dans des petits groupes, j'attends le sprint final.
Mais là, à cinq kilomètres de l'arrivée, j'ai tenté ma chance. Je me
sentais bien, je l'ai fait au feeling. Vandevelde a réussi à revenir
sur moi : c'est un bon rouleur. Mais après la flamme, je savais
qu'il n'y aurait plus de relais. J'ai tout fait pour l'amener le
plus vite possible dans le sprint.
Étiez-vous confiant ?
Non, il y avait de la crainte. Dans mon groupe, il y avait des
coureurs très solides comme Thomas (Voeckler), Sorensen ou
Vandevelde. Mais quand on s'échappe, il faut faire preuve
d'efficacité.
Avec votre succès, la FDJ enregistre une seconde victoire cette
année. Le contrat est-il rempli ?
On va aborder la fin de semaine plus sereinement, c'est sûr.
Thibaut Pinot est toujours 10e au général : à seulement 22ans, il
est en train de réussir quelque chose de grand. C'est son premier
Tour seulement, et il a déjà réussi à gagner dans les Alpes. Ces
derniers jours, on s'est mis autour de lui dans des étapes qui
étaient plus dangereuses. Aujourd'hui, je suis un peu récompensé de
tout ce travail fourni.
Au fait, vous le faites exprès de gagner à la veille des étapes
de repos ?
(Rires) Oui, c'est vrai que les quatre fois ça s'est passé comme
ça. C'est sans doute pour pouvoir mieux les fêter.